Une Œuvre, une Histoire : Coffret byzantin en ivoire

Coffret byzantin en ivoire pourpré - Trésor de la cathédrale de Troyes. © Ph.Riffaud-Longuespé
Coffret byzantin en ivoire pourpré - Trésor de la cathédrale de Troyes. © Ph.Riffaud-Longuespé

 

 

Titre / Dénomination : Coffret en ivoire

Lieux de production : Istanbul (Constantinople), Turquie

Date / période : Xe siècle

Matériaux et techniques : Ivoire, plaques sculptées, tenons métalliques (autrefois petits tenons en ivoire)

Dimensions : L. 26,4 cm ; H. 13,4 cm ; l. 13 cm

Ville de conservation : Troyes

Lieu de conservation : Trésor de la cathédrale

Le coffret byzantin en ivoire du trésor de la cathédrale de Troyes y aurait été amené par Jean Langlois, évêque de la ville, après le sac de Constantinople en 1204. Il témoigne d’une période de confrontations entre le monde occidental et l’Empire byzantin dans le contexte des Croisades ; son décor atteste de manière beaucoup plus extraordinaire de contacts directs ou indirects, entre Byzance et la Chine. Il constitue un excellent exemple de matérialisation artistique de l’idéologie impériale.

 

Le coffret est constitué de plaques d’ivoires sculptées assujetties les unes aux autres, autrefois fixées par

de petits tenons d’ivoires ; aujourd’hui, de petites pièces de métal les ont remplacés. Il est daté du Xe siècle, à l’instar de quasiment tous les ivoires byzantins médiévaux qui nous sont parvenus. Cette datation semble confirmée par la ressemblance de la tête des deux cavaliers avec celle de l'empereur figurant sur un panneau conservé au Cabinet des Médailles à Paris. (1)

 

Sur le couvercle sont représentés, de part et d’autre d’une ville et de manière pratiquement symétrique,

deux empereurs armés et montant des chevaux richement parés. Les souverains portent la couronne impériale à prependoulia, c’est-à-dire à pendants, une cuirasse et une lance ; leurs capes flottent au vent dans des directions opposées. Depuis les bâtiments de la ville, des personnages acclament les empereurs. Une tychè, personnification d’une cité, est debout dans l’ouverture de la porte et semble offrir une couronne à l’empereur figuré sur la droite. Il s’agit d’une scène d’adventus, arrivée triomphale dans une ville. Malgré leur position, il ne faut pas concevoir les empereurs s’éloignant de la ville. Ils sont en fait représentés dans une pose frontale, hiératique. L’image ne montre donc pas l’événement tel qu’il a pu se produire, mais offre une dimension plus symbolique de la scène.

 

Le panneau frontal et le panneau arrière présentent tous deux des scènes de chasse. Le premier illustre une scène de chasse au lion. Deux cavaliers dans des postures ici encore symétriques, l’un armé d’un arc, l’autre d’une épée, affrontent l’animal ; leur représentation fait de tout évidence écho aux empereurs figurés sur le couvercle. Le personnage de gauche porte une toupha (2). Sur le panneau arrière, un seul personnage, accompagné de chiens, attaque un sanglier à la lance. Ici encore il porte un équipement militaire. Ces scènes de chasse possèdent une très forte connotation symbolique partagée par de nombreuses cultures. La chasse est plus qu’un sport ou un moyen de subsistance, elle est un combat ; en cela, elle partage les mêmes valeurs que l’art militaire. Ainsi, dans de telles représentations, elle est un symbole de la guerre tandis que la victoire sur l’animal représente le triomphe de l’empereur.

 

La chasse est une affirmation de l’emprise du souverain sur la nature et sur le monde. Cette idée de domination de la nature est aussi associée, dans les panégyriques byzantins, à la création de jardins et

de parcs par les empereurs, dans lesquels se déroulaient ces chasses. La description de ces jardins et des plantes sert de métaphore au renouveau de l’empire.

 

Un parallèle iconographique de ces métaphores peut se trouver sur les panneaux latéraux du coffret du trésor de la cathédrale de Troyes. Deux oiseaux y sont représentés au sein d’une végétation luxuriante. Il s’agit probablement de phénix dont la symbolique servirait à renforcer l’idée du renouveau. Le style employé par l’artiste conduit à les rapprocher de motifs venus d’Extrême-Orient. On retrouve en effet de tels oiseaux sur des plats et des miroirs chinois du VIIIe siècle. Ces motifs auraient pu parvenir au monde byzantin au travers d’intermédiaires islamiques. Quoi qu'il en soit, le fait que peu d'objets d'art profane byzantin nous soient parvenus doit nous rendre prudent dans nos interprétations.

NOTE

 

(1) Celui-ci représente le Christ bénissant ou couronnant un couple impérial. D’après les inscriptions, il s’agit de Romain et d’Eudoxie. Il peut être daté entre 945, date à laquelle le futur empereur Romain II (959-963) devint coempereur de son père Constantin VII et 949, année de la mort d’Eudoxie.

 

(2) Casque à cimier que portaient les empereurs lors des cérémonies de triomphe.

Coffret byzantin en ivoire pourpré - Trésor de la cathédrale de Troyes
Coffret byzantin en ivoire pourpré - Trésor de la cathédrale de Troyes. MH 15-09-1894. © Ph.Riffaud-Longuespé

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