
Le Saint-Sépulcre de Jérusalem expose ses trésors à Versailles
Le Trésor du Saint-Sépulcre est présenté au Château de Versailles dans les Salles des Croisades et à la Maison de Chateaubriand (Châtenay-Malabry) du 16 Avril au 14 Juillet 2013 : l'événement, organisé conjointement par le Château de Versailles et le Conseil général des Hauts-de-Seine, nous présente de manière inédite 250 chefs-d'œuvre, présents faits par les cours royales européennes,
de tout temps à la Basilique du Saint-Sépulcre de Jérusalem.
C’est la première fois ou presque (seules quelques pièces sont sorties dans les années 1990 pour une exposition à Gênes) que ces objets quasi inconnus sont exposés hors des murs de la basilique du Saint-Sépulcre.
"C’est à partir des recherches sur le royaume de Naples que le trésor a été découvert par l’historien de l’art Alvar Gonzales Palacios, qui travaillait dans les archives napolitaines. Il est venu frapper à la porte de la custodie. Il a fallu qu’il insiste pour qu’un sacristain finalement lui montre des pièces qui se sont révélées d’une richesse extraordinaire", explique Béatrix Saule, directrice des Musées de Versailles et du Trianon, tout en admirant les splendides flambeaux de Louis XIII, qui comptent parmi les pièces maîtresses de l’exposition.
Vidéo de présentation de l'exposition avec un commentaire de Béatrix Saule.
« Ces objets liturgiques sont encore utilisés, ils ne sortent pas d’un musée.»
Béatrix Saule

"C’est la première fois que ces objets sont étudiés à fond par le conservateur en chef du Louvre, spécialiste en orfèvrerie", poursuit-elle en ouvrant délicatement l’écrin dans lequel est lovée une crosse en or de Louis XIV, ornée de pierres précieuses.
À l’origine du trésor : les dons des cours royales de l’Europe catholique des XVIIe et XVIIIe siècles, des royaumes d’Espagne, du Portugal, de Gênes, de Naples, de France...
"Ces présents revêtaient d’importants enjeux de prestige et prenaient place dans une intense compétition européenne entre les nations catholiques, explique Bernard Degout, directeur de la Maison de Chateaubriand, musée partenaire de l’exposition. Cette compétition était elle-même liée, surtout à partir du XVIIe siècle, à une rivalité de possession des Lieux saints entre les catholiques et d’autres Églises chrétiennes, avant tout l’Église orthodoxe".
Pas d’équivalent dans le monde

Certaines de ces pièces n’ont pas d’équivalent dans le monde. Leur valeur marchande était telle que, pour les transporter, il fallut les cacher dans des lieux parfois incongrus.
" Une fois parvenus au couvent franciscain de Jérusalem, les convoyeurs remettaient les aumônes et les produits apportés, ou ce qu’il en restait, au procureur, traditionnellement espagnol", écrit Danièle Veron-Denise. "L’argent était déposé dans une caisse à trois clés. Les reçus pour l’argent et les autres articles furent soigneusement recopiés dans deux registres d’entrées, conservés au couvent du Saint-Sauveur, à Jérusalem. "
Ce soin a permis de connaître l’implication des différentes nations. Le trésor n’a jamais été caché. Les objets étaient dans le Saint-Sépulcre – ainsi nommé par les Occidentaux, mais que les Orientaux appellent l’Anastasis, la Résurrection.
Quand l'art et la diplomatie se pressaient aux Portes de l'Orient...
Le Trésor de Saint-Sépulcre reste l'un des plus complet d'Europe, illustrant l'Histoire de l'Art depuis le
XII ème siècle : Chateaubriand publiera Itinéraire de Paris à Jérusalem au XIX ème siècle, dans le but de relancer l'intérêt du public européen pour le Trésor du Saint-Sépulcre, et, attaché à la Basilique de Jérusalem, Chateaubriand ira même jusqu'à proposer de conduire la restauration du lieu après l'incendie de 1808.
L'exposition est une occasion unique de découvrir les trésors insoupçonnés des Basiliques du Saint-Sépulcre et de Bethléem, et de rendre compte du lien étroit qu'entretenait le pouvoir européen avec la sphère religieuse chrétienne à travers des pièces d'exception peu connues du public.
Épée dite "de Godefroy de Bouillon"

On rapproche traditionnellement de la haute figure de Godefroy de Bouillon, le conquérant de Jérusalem, en 1099, une épée conservée aujourd'hui dans le trésor de la basilique du Saint-Sépulcre. Cette pièce offre l'aspect d'une arme médiévale, en bon état de conservation, présentant une longue lame montée sur une garde traçant un schéma cruciforme qui associe au pommeau, la poignée et des quillons horizontaux infléchis en leurs extrémités sur lesquels subsistent des traces de dorure.
De multiples témoignages, notamment celui de Chateaubriand, lors de son séjour à Jérusalem, en 1806, relatent que par le passé, des visiteurs de qualité étaient adoubés "chevaliers du Saint-Sépulcre par le supérieur des Franciscains chargés de la garde des Lieux Saints : "On tira du trésor du Saint-Sépulcre les éperons et l'épée de Godefroy de Bouillon. L'officiant […] me chaussa les éperons, me frappa trois fois avec l'épée […] Mais que songe que j'étais à Jérusalem, dans l'église du calvaire, à douze pas du Tombeau de Jésus-Christ, à trente pas du tombeau de Godefroy de Bouillon ; que je venais de chausser l'éperon du libérateur du Saint-Sépulcre, de toucher cette longue et large épée de fer […] ".
L'ancienneté de cette pratique rituelle que relate Chateaubriand n'est guère contestée. Ainsi conserve-t-on, dans les collections, des pièces d'armement ancien qui portent gravées postérieurement la croix potencée accompagnée à quatre croisettes qui permet d'établir que leurs possesseurs avaient accompli le voyage aux Lieux saints. La Colombière dans son Vray théâtre d'Honneur et de Chevalerie (1648) rapporte que "les cinq croix rouges sont mémoires des cinq plaies du Christ (et que le nouveau chevalier est adoubé) avec l'épée bénie de Godefroy de Bouillon".
L'examen détaillé de l'épée s'accorde difficilement avec ces données historiques. La construction de son pommeau en forme de figue assise sur une collerette peut évoquer certains pommeaux d'épées à deux mains de la fin du XVIe siècle et offrir des analogies marquées avec le n° 35 établi par Norman (1980), que le spécialiste situe vers les années 1590-1600. La fusée (poignée), d'un travail rudimentaire, taillée de côtes verticales, est réalisée en bois d'olivier, ce qui paraît impliquer une provenance méditerranéenne (Gaier). La lame, dépourvue de toute marque, aux forts tranchants latéraux et arête centrale, semble brisée en son extrémité, la réduisant ainsi d'une dizaine de centimètres (Gaier) : cette typologie l'associe à celles des lames du XVe siècle.
Les épées du temps de Godefroy de Bouillon sont montées avec de larges lames allégées d'une forte gorge centrale, leur garde est constituée d'un pommeau sphérique et de courts et forts quillons horizontaux. Pommeau et fusée, de l'épée présentée aujourd'hui au Saint-Sépulcre semblent se situer au XVIe siècle, et les plus grandes incertitudes accompagnent la lame dont le fourreau est moderne. On se souvient des vicissitudes que connurent les Lieux saints depuis leur conquête : les destructions qui accompagnèrent la reprise de la ville en 1187 et en 1244, l'incendie qui en 1808 a ravagé la basilique, cause de la destruction des tombeaux des rois francs.
L'imaginaire médiéval s'est nourri de héros incarnant les valeurs et l'idéal de la chevalerie dont l'épée est le symbole et le garant ; à l'exemple de l'épée de Roland, l'épée de Godefroy de Bouillon le conquérant de Jérusalem participe au mythe et, telles ces "épées fées" qu'évoquent alors les textes, est-elle appelée à poursuivre son continuel renouveau.

XVe-XVIe siècle - Fer, fonte de fer, ivoire, vestiges de dorure - Poids : 1,53 kg
Longueur : 100 cm (sans fourreau : 98,5 cm) - Largeur : 17,9 cm - Longueur lame : 83,7 cm
Un lieu d'exception

L'exposition occupe les Salles des Croisades du Château de Versailles, ce qui nous permet d'observer ces cinq salles qui étaient en restauration depuis 2002.
Lorsqu'il transforma la demeure des rois en musée consacré à toutes les gloires de la France, Louis-Philippe créa ces espaces afin
d’y honorer les vieilles familles de la noblesse française ayant participé aux huit croisades au Moyen-Orient. Leurs blasons
sont représentés aux plafonds des cinq salles.
Cette épopée est présentée à travers quelque cent cinquante tableaux commandés aux artistes les plus célèbres d'alors : Delacroix, Vernet, Granet ... Au centre de la salle principale se trouve la grande porte en cèdre provenant de l’hospice des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem à Rhodes, offerte en 1836 par le sultan ottoman Mahmoud. Cette porte est la source d’inspiration du décor de ces salles qui constituent un ensemble néo-gothique exceptionnel.

La dimension diplomatique et politique inhérente à la constitution de ce trésor est mise en évidence dans le livre d'art et d'histoire qui accompagnera cette exposition. Une quarantaine de contributeurs de renom international ont été réunis pour la rédaction de cet ouvrage disponible en français et en anglais.
430 pages, ill. Couleur. Couverture cartonnée
Editeur : SilvanaEditoriale
Prix de vente : 39€
Vidéo projetée à l'entrée de l'exposition pour vous plonger dans l'ambiance.
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