Titre / dénomination : Bassin au nom de Hugues IV de Lusignan
Lieu de production : Égypte ou Syrie
Date / période : XIVe siècle
Matériaux et techniques : Alliage de cuivre martelé ; décor incrusté d’argent regravé et de matière noire (organique ?).
Dimensions : H. : 27,7 cm ; D. ouverture : 57 cm ; D. base : 43 cm
Ville de conservation : Paris
Lieu de conservation : Musée du Louvre
Numéro d'inventaire : MAO 101
Inscription :
- Sur la paroi extérieure, en arabe, épigraphie thuluth : « Fait sur l’ordre de Hugues le favorisé [de Dieu], celui qui est à l’avant-garde des troupes d’élite des rois francs, Hugues des (sic) Lusignan. »
- Sur la lèvre, en français, caractères gothiques : « Très haut et puissant roi Hugues de Jherusalem et de Chipre que Dieu manteigne ».
Ce bassin est un des rares témoignages conservé attestant des rapports diplomatiques existant entre la famille des Lusignan de Chypre, dernier bastion chrétien en méditerranée orientale après la chute de Saint-Jean d’Acre en 1291, et la dynastie mamelouke au pouvoir en Égypte, Syrie et Palestine (1250-1517).
Les Lusignan furent rois de Jérusalem (1189-1192) puis fondèrent le royaume de Chypre en 1192. Ils y régnèrent jusqu’en 1489 lorsque l’île passa sous contrôle vénitien (jusqu’à la fin du XVIe siècle) puis ottoman. Deux autres métaux mamelouk créés pour les Lusignan (1) sont connus. Le rayonnement de l’art mamelouk s’étendit aussi jusqu’au Yémen, où les sultans rassulides (1229-1454) commandèrent aux ateliers de Syrie et d’Egypte des métaux (2) et des verres d’apparat.
Le décor tapissant s’inscrit dans des registres horizontaux sur les parois intérieures et extérieures, et dans des registres concentriques dans le fond. Deux bandeaux inscrits en thuluth occupent la majeure partie des parois intérieure et extérieure, mentionnant le nom et les qualités du destinataire (3). Six motifs circulaires lobés scandent le texte sur chaque paroi. Couverts d’un fond végétal où apparaissent des fleurs de lotus, ils sont ornés pour certains d’écus (lion rampant des Lusignan (4), croix pattée de Jérusalem), pour d’autres d’épigraphies rayonnantes.
De fins bandeaux décorés d’animaux passants, d’enroulements végétaux à motifs foliés et de motifs de pointes complètent le décor. La lèvre de l’objet porte une inscription en caractères gothiques. Le fond, assez altéré, est décoré d’un zodiaque : six planètes entourant le soleil sont complétées par douze planètes associées aux signes astrologiques.
La forme de l’objet est connue dans le domaine syro-égyptien dès le XIIIe siècle (5). Avec un autre type de bassin plus petit à panse globulaire (6), elle est largement utilisée à l’époque mamelouke.
Une grande maîtrise technique a été nécessaire à la mise en forme de la plaque de métal par martelage et à la réalisation du décor gravé, incisé, et incrusté d’argent regravé. L’incrustation de métal, connue chez les Romains, apparaît au Khorassan (Iran oriental) au XIIe siècle. La technique se diffusa rapidement au Proche-Orient, et les artisans ayyubides de Mossoul (7) (Irak) excellèrent dans cet art. Les métaux mamelouks s’inscrivent dans cette tradition qui périclita dans la région et en Iran dès la fin du XVe siècle, en partie pour des raisons économiques.
L’inscription en français, ajoutée à Chypre, se distingue par des marques d’outils différents, et par la présence d’un vernis coloré appliqué sur les lettres pour en rehausser le coloris. La même main européenne a réalisé le décor des écus.
Les inscriptions à hautes hampes appartiennent à la graphie en vogue à l’époque mamelouke, présente aussi dans l’art du verre et le décor architectural.
Le décor floral et végétal révèle l’influence de l’art ilkhanide. Après les invasions mongoles en Iran et l’établissement de cette dynastie apparentée aux Yuan de Chine, des motifs chinois comme la fleur de lotus (8) intègrent le répertoire décoratif. Les fonds végétaux fournis, les fleurs composites et les petits motifs aviformes stylisés qui y sont meublés rappellent les céramiques mameloukes contemporaines, qui reprennent elles-mêmes des motifs iraniens (9).
Les animaux passants, thème issu du monde antique iranien, apparaissent fréquemment dans différentes régions du monde islamique (10).
Le thème du zodiaque est issu du répertoire iconographique ayyubide (11), mais il existe aussi dans d’autres régions. Cette figuration symbolique de l’univers sur des objets luxueux, souvent destinés à d’éminents personnages, inscrit le destinataire dans une cosmogonie où la figure du prince, identifiée au soleil, occupe une place centrale.
NOTE
(1) Il s’agit d’un plateau conservé au musée du Louvre (plateau à bord droit aux armes des Lusignan de Chypre, deuxième ou troisième quart du XIVe s., inv. MAO 1227) et un petit bassin dont la localisation actuelle est inconnue (Vente Christie’s, Londres, 1950).
(2) Plateau au nom du sultan Sayf al-Din al-Mâlik al-Mudjahid Ali, alliage de cuivre martelé, décor gravé, incrusté d’argent regravé et de cuivre rouge, Paris, musée du Louvre, inv. AO 6008.
(3) Hugues IV fut roi de Chypre de 1324 à 1359.
(4) On peut observer les armes des Lusignan sur un anneau sigillaire en or et en saphir conservé au musée du Louvre, inv. MRR 229, XVe s.
(5) Bassin et aiguière, laiton damasquiné d’or et d’argent, signés par ‘Alî ibn ‘Abdallâh al-Mawsilî, Iraq du nord, Mossoul, troisième tiers du XIII s., Berlin, Museum für islamische Kunst, inv. I. 6580 (aiguière), inv. I. 6581 (bassin).
(6) Cette forme trouve de nombreux échos dans les métaux ilkhanides et timurides. Voir par exemple le bassin du musée du Louvre, Iran, Fars, 2e moitié du XIVe s., cuivre incrusté d’argent et d’or, inv. 5701.
(7) Idem.
(8) On retrouve également les fleurs de lotus dans le décor architectural au XIVe s. (portail du complexe de Sultan Hasan, Égypte, Le Caire, 1356) et dans le textile.
(9) Vase d’apothicaire, Égypte ou Syrie, XIVe s., céramique siliceuse engobée, décor d'engobe et peint sous glaçure transparente, Paris, musée du Louvre, inv. MAO 518.
(10) Frise figurée et épigraphiée, Iran, XIe s., stuc, Paris, musée du Louvre, inv. MAO 447.
(11) Ecritoire, Syrie, milieu XIIIe s., bronze ciselé et incrusté d’argent et de cuivre rouge, Paris, musée du Louvre, inv. K 3438.
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