Titre / dénomination : Coffret-reliquaire
Lieu de production : Egypte pour le coffret en cristal de roche. Allemagne pour la monture en orfèvrerie
Lieu de découverte : Trésor de la cathédrale de Moûtiers en Tarentaise (Savoie)
Date / période : Vers 1200
Matériaux et techniques : Cristal de roche. Monture en argent doré, filigrane, gemmes et perles, ivoire
Dimensions : L. 14,8 ; H. 11,3 ; prof. 9,7 cm
Ville de conservation : Cluny
Lieu de conservation : Paris, Musée de Cluny
Numéro d'inventaire : MR 11661
Ce coffret-reliquaire réunit quatre plaques en cristal de roche sculptées en Egypte fatimide et une monture orfévrée d'origine allemande. Chaque plaque a reçu un décor animalier. Côté fermoir, deux bouquetins couchés s’affrontent de part et d’autres d’un fleuron central ; sur la face opposée, deux gazelles. Les côtés latéraux sont ornés, à droite, d’un cervidé à la queue enroulée et à gauche d’un quadrupède dont la tête a été coupée au moment de la retaille.
La monture - une feuille en argent doré posée sur âme de bois - forme un encadrement ostentatoire et luxueux. Elle est garnie de rinceaux filigranés à terminaisons perlées et renferme de nombreuses pierres semi-précieuses. Deux cabochons en ivoire sont gravés de figures d’ange. Sur le couvercle, un cristal de roche ovoïde forme un dôme. Des colonnettes, placées aux angles, accentuent l’aspect architectural de l’orfèvrerie.
Avant de rejoindre les collections du musée de Cluny, à Paris, l’œuvre appartenait au trésor de la cathédrale Saint-Pierre du Moûtiers, en Tarentaise, une vallée de la Savoie. Moûtiers, siège d'un évêché sur les bords de l’Isère, était, au Moyen Age, une étape importante sur les routes de pèlerinage et de commerce qui reliaient Milan aux villes françaises de la vallée du Rhône. La Tarentaise, qui faisait partie de la Lotharingie, sera rattachée au Saint-Empire romain germanique en1033. Par la suite, elle reviendra aux comtes, puis aux ducs de Savoie. Il ne faut donc pas s'étonner que la cathédrale de Moûtiers ait eu en sa possession un cristal de roche enchâssé dans une orfèvrerie allemande (1). Quant au cristal de roche, il a pu gagner l'Occident latin dès le début du XIe siècle. On connaît les liens qu’avaient entretenus les empereurs ottoniens avec les califes fatimides. C’est dans le domaine germanique, plutôt que dans le domaine français, que ces objets en quartz arriveront le plus souvent
On ne s’attardera pas sur le décor sculpté ; il doit beaucoup au répertoire de la Mésopotamie et de la Perse préislamiques. L'Egypte fatimide l’a souvent exploité. En revanche, la christianisation de l’objet est intéressante. Elle tient à sa monture. Riche en gemmes, elle est caractéristique d’un travail allemand exécuté vers 1200. De nombreuses pièces germaniques offrent ce type d’incrustation sur rinceaux perlés (2).
Par cette parure, les orfèvres expriment quelque chose qui a trait au nouveau culte des Rois Mages.
Ces Rois venus d’Orient sont les premiers, après les bergers de Bethléem, à rendre hommage à l'Enfant Jésus (Evangile selon saint Matthieu 2, 11), en déposant à ses pieds de l’or, de la myrrhe et de l'encens. Selon la tradition, l'or symboliserait la royauté, l’encens, le sacerdoce, la myrrhe, le sacrifice. Autrefois,
les récipients qui contenaient ces offrandes étaient figurés sous forme de simples coupes (mosaïque de Ravenne). A partir du XIIIe siècle, probablement en raison d’une nouvelle dévotion, ils prennent l’aspect des vases participant au rituel de la messe ou des somptueux reliquaires versés dans le Trésor des églises. Ainsi les pyxides, ou les boîtes en forme de tourelle signalent l'offrande de la myrrhe et de l'encens, tandis que les coffrets sont associés à la présentation de l'or. On sait la fortune de ce thème dans l’art occidental. C’est probablement ce que cherche à signifier cette petite boîte enchâssée dans une monture sans grand rapport avec sa taille mais qui, ainsi, évoque les Rois Mages, leur splendeur et qui, peut être, contenait quelque chose en relation avec l'Epiphanie.
NOTE
(1) Pendant le haut Moyen Age, l'archevêque de la Tarentaise était également comte et prince du Saint Empire.
(2) Par exemple, la croix reliquaire de l’église Saint-Paul à Münster, qui date de la fin du XIIe siècle.
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