La croisade des pastoureaux

La nouvelle que Saint Louis vient d'être fait prisonnier avec deux de ses frères devant le Caire avait provoqué en France l'incrédulité et la révolte. Comment un roi si pieux a-t-il pu être abandonné de Dieu ?

Blanche de Castille accueillant les pastoureaux qu'elle soutiendra dans un premier temps avant de vouloir les repousser. Gravure du XIXe. TEMPLE DE PARIS
Blanche de Castille accueillant les pastoureaux qu'elle soutiendra dans un premier temps avant de vouloir les repousser. Gravure du XIXe.

Accusation d'impiétés

 

Divers prédicateurs populaires ont, à cette angoissante question, une réponse en réserve : c'est parce que la chevalerie chrétienne est une chevalerie pécheresse.

Un certain Jacques, moine hongrois de l'ordre de Cîteaux, se révèle particulièrement charismatique.

Nommé le "maître de Hongrie", il prétend avoir reçu de la Vierge une lettre affirmant que les puissants, les riches et les orgueilleux ne pourront jamais reprendre Jérusalem, mais que seuls y parviendront les pauvres, les humbles et les bergers, dont il doit être le guide. L'orgueil de la chevalerie, dit la lettre, a déplu à Dieu. Cet imposteur vit son pouvoir croître : lui qui portait toujours sur lui cette fameuse lettre

de la Vierge est bientôt entouré de milliers de pauvres.

 

L'armée des bergers

 

À l'époque, le terme "pastoureaux" désignait les bergers : ceux-ci étant majoritaires autour du moine de Hongrie, il donna son nom à cette croisade. Des milliers de bergers et de paysans prennent la croix et marchent vers Paris, armés de haches, de couteaux, de fourches et de bâtons afin de s'en aller en Terre Sainte.

Ils sont 30 000 à Amiens, peut-être 50 000 à Paris, où Blanche de Castille les reçoit. Tout d'abord, elle accepte de les soutenir – ils sont nombreux et se réclament du Christ.

Les pastoureaux de la troisième croisade tentent d'incendier la tour de Verdun-sur-Garonne, en Languedoc, où 500 juifs avaient trouvé refuge. TEMPLE DE PARIS
Les pastoureaux de la troisième croisade tentent d'incendier la tour de Verdun-sur-Garonne, en Languedoc, où 500 juifs avaient trouvé refuge. Chronique de France, XIVe siècle.

Des Fanatiques

 

Mais bientôt le mouvement dégénère : non seulement des bandes d'enfants qui s'étaient joints à eux y meurent de faim, mais surtout ils développent une idéologie dangereuse. Les pastoureaux dénoncent les abbés et les prélats qui seraient cupides et orgueilleux. Ils s'en prennent aussi à la chevalerie qu'ils accusent de mépriser les pauvres et de tirer profit de la croisade.

 

Des conflits s'ensuivent avec le clergé dans plusieurs villes.

À Orléans, l'un d'eux s'étant mis à prêcher, un étudiant lui dit : "Tais-toi, menteur, hérétique et méchant, tu trompes le peuple et tu as menti par la gorge". Un pastoureau frappa de sa hache l'étudiant.

La scène tourne au massacre, vingt-cinq prêtres furent assassinés. Ailleurs, cette croisade des pauvres conduit à des scènes de pillage – ainsi à Bordeaux, où Simon V de Montfort doit réprimer les pastoureaux. Le mouvement s'étend en Rhénanie et dans le nord de l'Italie, or il est trop dangereux tant du point de vue social que politique pour être toléré par les puissants. Une excommunication est lancée, la répression est de plus en plus féroce, le moine de Hongrie est tué lors d'une prédication et seuls quelques rescapés parviennent jusqu'à Marseille et s'embarquent pour Acre, où ils rejoignent les croisés.

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