La Commanderie des Templiers de la Villedieu

Situé sur le territoire de la commune d'Élancourt, près de Trappes (78 - Yvelines),

cette commanderie conserve de la période templière sa belle chapelle et le bâtiment des Gardes.

Plan de la commanderie de Villedieu. Temple de Paris
Plan de la commanderie de Villedieu. © Photothèque CA SQY

La Chapelle

Pièce maîtresse du site, ce monument du XIIIe siècle aux lignes gothiques sobres est le témoin privilégié de l'époque templière et de la mission spirituelle incombant aux chevaliers. Les restaurations des XXe et XXIe siècles ont permis de lui rendre sa splendeur d'antan.


Le bâtiment des Gardes

Il compte parmi les constructions le plus anciennes du site, préexistant peut-être même à la Chapelle. Il est néanmoins largement transformé au cours des siècles. Possible grange à l'origine, il remplit un temps un usage militaire ou de salle d'armes, avant de servir d'entrepôt pour le fourrage et le matériel agricole. Il accueille aujourd'hui des expositions.

À noter : sa charpente en chêne d'origine.


Le bâtiment de Bièvres

Vraisemblablement construite à l'emplacement de l'ancien logis du commandeur qui dirigeait le domaine, la bâtisse actuelle daterait du XVIIIe siècle. Elle sert d'abord de logis pour les exploitants du domaine agricole, puis après restauration accueille des séminaires dans les années 1970. Elle abrite notamment depuis 2012 la Fédération française des échecs.


Le bâtiment de Chevreuse

La construction de cette dépendance agricole au XVIIe ou XVIIIe siècle n'exclut pas l'existence d'un édifice plus ancien à cet endroit, comme dans le cas du Bâtiment de Bièvres. Depuis sa réhabilitation dans les années 1970, le bâtiment accueille des ateliers d'artistes et un restaurant.


Vestige de mur d'enceinte

En fond de cour derrière la mare subsiste une ruine du mur qui protégeait le site.


Commanderie de Villedieu. Temple de Paris
Commanderie de Villedieu. © Photothèque CA SQY

Aucun document ne permet de dater précisément sa création. On sait néanmoins que Gui II, seigneur de Chevreuse de 1149 à 1182, fait don aux Templiers d'une maison à La Brosse et une autre à La Villedieu. Certains voient dans cette donation l'acte de fondation de la commanderie. Toutefois, il faut attendre 1206 pour qu'apparaisse dans les archives la "Maison Templière de La Villedieu" (dans un acte mentionnant une transaction entre l'Abbaye de Saint-Denis et les Templiers). On évalue la superficie des possessions acquises par les Templiers à La Villedieu à environ 300 arpents de terre (un peu plus de 102 hectares) et 110 arpents de bois (près de 38 hectares). Cela fait du site une commanderie de taille moyenne, ce qui ne l'empêche pas d'être à l'époque un acteur local important en termes d'influence et de vie économique.

Le déclin progressif du site

 

Après  la dissolution en 1312 de l'Ordre du Temple, ses biens sont transférés aux Hospitaliers. La commanderie de La Villedieu est alors placée sous l'autorité de la commanderie Hospitalière de Louviers-Vaumion (dépendant aujourd'hui de la localité du Vaumion dans le Val d'Oise). Les nouveaux propriétaires se préoccupent visiblement peu de l'entretien des bâtiments.

La situation s'aggrave avec les ravages causés par la guerre de Cent Ans (1337-1453). À la fin de celle-ci, les bâtiments se trouvent dans un état de délabrement tel (seuls la chapelle et le bâtiment des Gardes sont encore debout) que la gestion du site est confiée directement à l'Hôpital Saint Jean de Latran de Paris.

À partir du début du XVIe siècle, le domaine est loué à des fermiers qui l'exploitent. Il est vendu comme bien national pendant la Révolution française.

Carte postale. Collection privée. Temple de >Paris
Carte postale. Collection privée.
Carte postale. Collection privée. Temple de Paris
Carte postale. Collection privée.

Une exploitation agricole d'envergure

 

Au XIXe siècle, l'industrialisation de l'agriculture bouleverse la physionomie du site. Comme dans plusieurs exploitations du plateau, une distillerie de betterave y est installée vers 1860. Elle entraîne la construction  d'une haute cheminée de briques près de l'entrée de la cour, sur le flanc du bâtiment des Gardes. Cette culture est particulièrement avantageuse : on vend l'alcool ou le sucre extrait et avec la pulpe on nourrit les bœufs. Les techniques se perfectionnant, l'augmentation des rendements nécessite plus de volume de stockage : on construit des annexes ! En 1900, la ferme de la Villedieu est la plus importante d'Élancourt.

 

La vie de la ferme

 

Au plus fort de son rayonnement, le domaine emploie à plein temps une quinzaine de personne.  On compte  douze ouvriers agricoles, logés à demeure, une femme de chambre et une cuisinière. Des personnels journaliers sont parfois engagés pour prêter main forte.

Les activités agricoles évoluent au fil des changements de cultivateurs. Dans les années 1930, la ferme est exploitée par la famille Bardoux, dont l'activité principale est la culture maraîchère et en particulier épinards, petits pois et choux-fleurs. Après 1936, la famille De Groote s'y installe et développe l'élevage et la production de lait. Le bâtiment dit aujourd'hui de Chevreuse accueille alors notamment l'étable, l'écurie et la bergerie. Le site est exploité jusqu'au départ de son dernier occupant en 1963.


Quand la chapelle devint grange à foin

 

La chapelle est transformée en grange après la Révolution française, alors que le bâtiment perd définitivement sa fonction religieuse initiale. Les réalités quotidiennes passent avant le sentiment patrimonial ! Le portail occidental est condamné pour permettre d'adosser les clapiers au mur de façade. L'espace entre les contreforts latéraux et au niveau du chevet est utilisé pour installer des poulaillers ou stocker des fagots.

 

Les hautes fenêtres ogivales sont murées et une ouverture latérale est percée pour faciliter l'accès des charrettes (seconde travée de la façade sud). Un plancher est installé dans le bâtiment à hauteur de la base des baies. C'est dans cet état de délabrement que l'édifice se voit inscrit au titre des Monuments Historiques en 1926.

Les dernières décennies du XXe siècle : la renaissance

Sauvetage d'un site, reconnaissance d'un patrimoine

 

En 1963, c'est un ensemble délabré que rachète un promoteur. Alors que la région parisienne s'urbanise, dont les alentours de la gare de La Verrière avec l'ensemble Verrière-Maurepas de J.Riboud, le but est de réaliser une opération immobilière sur le domaine. Émus par l'état de la commanderie, des acteurs et habitants locaux fondent une association de défense du site.

Après quelques années à l'abandon, il est racheté par l'Établissement Public d'Aménagement de Saint-Quentin-en-Yvelines (EPA) au début des années 1970, puis réhabilité. Des travaux de restauration ont lieu entre 1971 et 1978. Ils relèvent des bâtiments éventrés et redonnent vie à une chapelle qui retrouve une allure plus conforme à sa fonction initiale.

 

1971-1978 : une campagne de restauration d'envergure

 

Le chantier est conduit sous l'égide de M.Delaunay, architecte des bâtiments de France, par l'architecte Bonnefoy. Des mesures d'urgence sont d'abord prises pour le bâtiment des Gardes et la chapelle, dont la toiture est partiellement arrachée. Après réfection du toit en tuiles, les fenêtres sont rouvertes et pourvues de nouveaux vitraux. Dans ceux du chœur sont alors intégrés des médaillons du XIIIe siècle provenant d'une autre commanderie détruite (Sainte-Vaubourg, Seine Maritime). L'enduit au mortier de chaux qui recouvrait les parois intérieures, très abîmé, n'est pas conservé. Pour des raisons notamment d'acoustique, le choix est fait de laisser les murs en meulière nus. Les bâtiments de Bièvres et de Chevreuse, ainsi rebaptisés par l'EPA, sont ensuite réhabilités par des travaux  conséquents, de l'ordre de la reconstruction pour certaines parties.


Un haut lieu de la vie socioculturelle locale

 

L'EPA installe entre 1974 et 1985 dans le bâtiment des Gardes un centre d'information sur la ville nouvelle qui sort alors de terre. Il unit parallèlement ses efforts à ceux de la Direction Régionale des Affaires Culturelles pour doter le site d'un centre culturel (1981-1998). Un comité de pilotage sous la tutelle des deux institutions gère l'attribution d'ateliers d'artistes dans le bâtiment de Chevreuse. Certains y résident aujourd'hui encore. Espace de création, la Villedieu accueille également des concerts, des séminaires et des expositions. 

La Chapelle, un édifice gothique

La Chapelle de Villedieu. © TEMPLE DE PARIS
La Chapelle de Villedieu. © TEMPLE DE PARIS

Des volumes simples et harmonieux

 

La chapelle du XIIIe siècle est une nef unique de trois travées qui s'achève par un chœur en abside à sept pans, traditionnellement orienté à l'est.

Ses dimensions de 28 mètres de long sur 8 de large en font un édifice aux proportions élégantes

 

Sa hauteur intérieure primitive était de 11,80 mètres à la croisée des ogives. Les façades sont percées de quatorze fenêtres hautes de 6 m, séparées par des contreforts montant jusqu'au toit d'ardoise. Il est rare qu'une chapelle templière soit éclairée avec une telle profusion. Ces fenêtres furent bouchées par les fermiers qui ouvrirent, selon leur fantaisie, des portes et bâtirent des appentis un peu partout. Sous l'unique ouverture de la façade, on trouve un porche surmonté d'une archivolte sculptée en pointe de diamant, signature indubitable du XIIe siècle, cette arcade repose sur deux consoles peu saillantes.

À sa droite et au pignon, une tourelle octogonale, dont l'accès se trouve à l'intérieur de la chapelle, est coiffée d'un toit conique. Son escalier à vis, éclairé par des meurtrières, conduit au sommet se terminant en lanterneau. Signalons que la construction octogonale est considérée chez les templiers comme une architecture marquant un endroit initiatique privilégié. De fait, cette tourelle étant d'un diamètre plutôt réduit, on comprend mal pourquoi son concepteur a pris la peine de lui donner cette apparence ; dans nombre de chapelle comportant une telle tourelle, cette dernière est incorporée à “l'intérieur” et n'est visible qu'à partir du toit à la manière d'une cheminée.

Détail du Lanterneau. © TEMPLE DE PARIS
Détail du lanterneau. © TEMPLE DE PARIS
Chapelle vue de face. © TEMPLE DE PARIS
Chapelle vue de face. © TEMPLE DE PARIS

Nous savons que des frères du Temple ont été intronisés à La Villedieu, cérémonie qui n'avait pas lieu dans toutes les commanderies, ceci expliquant peut-être cela.


Sur la façade sud de la travée la plus proche du chœur, s'ouvrait autrefois une porte secondaire qui, si l'on considère les plans habituels des commanderies, devait donner accès au logis du commandeur.

Les six arcs de voûte, soigneusement moulurées, reposent sur de graciles colonnettes dont les astragales supportent des chapiteaux ornés de feuilles ou de crochets. Vers la droite du chevet, sous une arcade ogivale, s'ouvre dans l'épaisseur du mur, une piscine d'église à deux cuvettes: ronde et carrée. Trois travées d'égales dimensions succèdent au chœur. Leurs arcs sont portés par des culs-de-lampe en encorbellement décorés de feuillages différents à chaque élément-feuilles d'eau, de chêne, de trèfle. Les clés de voute sont toutes sculptées.

 

Le sol a été plusieurs fois remanié; abaissé lorsque la chapelle fut transformée en grange, on y découvrit huit pierres tombales qui furent sans doute récupérées comme matériau de construction. Le sol fut relevé à son niveau initial lors de travaux de restauration; on y découvrit des fragments du dallage originel. Des restes de vitraux furent également découverts. 

Le décor intérieur : un ensemble sobre rehaussé de détails soignés

 

La restauration récente a rendu vie au décor peint d'origine, d'après les traces de couleurs par endroits (ébrasements de baies, clefs de voûtes). Le motif de traits blancs entre deux liserés rouge peint sur l'enduit mural est dit de "faux appareillage" : ce trompe-l'œil permet  de donner l'illusion de joints de pierre. Son emploi est fréquent dans la peinture murale gothique.

 

Les teintes chaudes utilisées, du jaune au rouge foncé, font ressortir les reliefs des clefs et nervures des voûtes, de même que les éléments sur lesquels elles retombent : colonnettes engagées dans le chœur et culots sculptés de motifs végétaux dans la nef. La simplicité de ces peintures correspond à la rusticité d'une commanderie templière en campagne.

© TEMPLE DE PARIS
© TEMPLE DE PARIS

 

Lors de la restauration programmée dans les années 1970,

une pierre gravée sur les deux faces d'une croix inscrite dans un cercle, a été retrouvée sur le site. Tout comme à Westerdale

ou à Arveyres, ces croix servaient très certainement de bornes territoriales.

 

Elle orne aujourd'hui la façade du bâtiment de Bièvres.

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