Collection : Petite Bibliothèque Payot
Poche : 400 pages
Prix : 10.65 €
X Nouvelle réédition du livre X
700e anniversaire de l'exécution
du dernier maître des Templiers.
À paraître le 12 février 2014
Jacques de Molay est surtout connu par la littérature du XIXe siècle et par les Rois maudits de Maurice Druon. C’est cette image romantique qu’Alain Demurger remet en cause. Né dans une famille noble du comté de Bourgogne, sans doute entre 1245 et 1250, Jacques de Molay est entré au Temple en 1265 et en est devenu grand-maître en 1292. C’est seulement à partir de cette dernière date qu’il apparaît régulièrement : auparavant, son parcours est particulièrement obscur. Avant d’être le principal protagoniste de Philippe le Bel dans l’affaire des templiers, il est en Orient où il s’efforce de reconquérir Jérusalem et de protéger les derniers États latins. À partir de 1307, son histoire, même si la légende a brodé sur le thème, est mieux connue : arrestation par les hommes de Philippe le Bel, aveu des fautes du Temple, abandon de la défense de l’ordre et, en 1314, condamnation au bûcher comme relaps.
Sur le personnage lui-même les sources sont maigres, et c’est le problème principal rencontré par A. Demurger, qui a donc eu recours à des biais. Les sources les plus abondantes lui sont fournies par les archives de la couronne d’Aragon : l’ordre du Temple était très bien implanté dans ce royaume et, par chance, les documents le concernant y sont mieux conservés qu’en France. On y trouve des lettres du grand maître et deux mémoires très intéressants, l’un sur la croisade, l’autre sur l’union des ordres, qu’il a composés sur la demande du pape Clément V. Malgré tout, on ne peut dire que ces sources tirent totalement le personnage de l’ombre. A. Demurger a eu aussi recours aux registres des lettres pontificales et à diverses chroniques de l’époque : celle du templier de Tyr, Guillaume de Nangis et sa continuation, les chroniques monastiques d’Angleterre et de l’Empire, celles enfin des villes italiennes. La dernière catégorie de sources et, de loin, la plus difficile à utiliser, est constituée par les interrogatoires des templiers après leur arrestation.
Les tentatives pour éclaircir les origines de Molay restent largement vaines et, sur sa jeunesse, A. Demurger en est réduit à
exposer le contexte dans lequel il a évolué.
Les chapitres centraux de l’ouvrage sont, sans aucun doute, les plus riches d’intérêt car ils relatent des épisodes moins connus et détaillent le rôle des ordres religieux-militaires en Terre sainte après la chute des États chrétiens. Le Temple est alors implanté à Chypre et a encore un rôle réel de défense des derniers royaumes chrétiens, Arménie et Chypre. Le problème de l’alliance mongole, les difficultés de relation entre les ordres ou avec le roi de Chypre sont également évoquées. On découvre alors un grand maître méconnu qui, loin d’avoir laissé péricliter son ordre, a maintenu son rôle en Orient tout en contrôlant le mieux possible ce qui se passait en Europe. C’est, en effet, le second aspect saillant de cette période : on voit comment Jacques de Molay gouverne le Temple. Si, au niveau central, le gouvernement est collégial et s’il ménage une certaine mobilité parmi les dirigeants, l’ordre est fortement hiérarchisé et c’est toujours le grand-maître qui autorise les mouvements entre Orient et Occident et qui nomme les visiteurs ; il intervient aussi dans tous les cas litigieux de quelque importance, comme cela se voit en Aragon à plusieurs reprises. Un long voyage en Europe, où Molay noue d’excellents rapports avec les rois d’Angleterre et d’Aragon, entre 1293 et 1297 environ, lui permet de se rendre compte de la situation de l’ordre. Ce voyage a deux buts principaux : obtenir des moyens pour reprendre Jérusalem, essayer de réformer l’ordre. Le premier objectif montre bien que la raison d’être du Temple demeure la défense des États latins d’Orient et la reconquête de Jérusalem. Ce projet n’était pas aussi chimérique que l’on a bien voulu le dire pendant longtemps, le mémoire remis au pape à ce sujet le prouve. Le second objectif ne sera jamais atteint, pour des raisons mal élucidées : manque de temps, de volonté, oppositions ? Et c’est bien cette défaillance qui va entraîner la chute du Temple.
A. Demurger passe, en fin de compte, assez vite sur la fin de l’ordre et du grand maître, épisode bien et mal connu à la fois, réduit longtemps à l’anecdote. C’est peut-être dommage, car l’exposé se fait parfois un peu trop elliptique : l’auteur ne revient pas assez, par exemple, sur les motivations de Philippe le Bel. L’attitude et la défense du grand-maître sont, en revanche, bien expliquées, ainsi que la responsabilité de Jacques de Molay dans la destruction de son ordre, qui n’était sans doute pas inéluctable. Enfin, le détour par la légende et l’histoire vue par les romantiques est aussi indispensable que plaisant.
Cette biographie réussit à réinsérer dans son contexte un personnage dont la légende s’était emparée, à le montrer sous un jour nouveau et à le dégager de toute idée reçue.
Malgré tout, de nombreuses zones d’ombre subsistent, et Molay demeure difficilement saisissable. Manque de sources oblige, une place très large, peut-être trop large, est faite à l’hypothèse, finalement seule manière de progresser dans ce type de cas. C’est donc à une enquête historique passionnante mais frustrante à la fois que nous convie A. Demurger.
Hélène Becquet.
Alain Demurger est un historien médiéviste français contemporain, spécialiste de l'histoire des croisades, des ordres religieux militaires au Moyen Âge.
Agrégé d'histoire, il est maître de conférences honoraire à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne, où il a enseigné pendant de longues années. Aujourd'hui, il consacre son temps à poursuivre ses recherches, à écrire et à faire des conférences.
Il a publié récemment "Les Hospitaliers. De Jérusalem à Rhodes, 1050-1317".
Ses livres sur l'ordre du Temple "Moines et guerriers : les ordres religieux au Moyen Âge" et "Les Templiers" sont devenus des incontournables.
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BASSIMONT Nicole (mercredi, 22 février 2017 18:18)
Qui a été brûlé avec Jacques de Molay ?
Jean et Thibault Bazemont étaient mes ancêtres
Bien cordialement
Nicole