VASE SPHÉRO-CONIQUE À USAGE MILITAIRE

Vase sphéro-conique du château d'Aljun en Jordanie. Temple de Paris
Vase sphéro-conique retrouvé au château d'Aljun en Jordanie

Titre / dénomination : Vase sphéro-conique

Lieu de découverte : Jordanie, Ajlun, château

Date / période : v. 1184

Matériaux et techniques : Céramique non glacée, décor estampé

Dimensions : H. environ 12 cm

Ville de conservation : Ajlun

Lieu de conservation : Musée archéologique

 

 

 

De forme conique, cet objet à petit goulot sphérique aux lèvres épaisses percées d’une embouchure minuscule, fait partie d’un large groupe dont la plupart des spécimens sont réalisés en terre réfractaire. On en connaît aussi quelques-uns en céramique glacée (1) et en verre (2).

 

Depuis longtemps, les archéologues spécialisés dans les périodes ayyoubide et mamelouk sont perplexes quant à la fonction et l’utilisation de ces objets. Plusieurs hypothèses ont été avancées : lampes de berger, vases pour lancer du naphte sur l’assaillant, régulateurs de température pour les fours de potiers, bouteilles à bière (en regard des inscriptions). Peut-être ces objets avaient-ils plusieurs usages, l’hypothèse militaire étant la plus courante, d’autant que de nombreux objets ont été trouvés dans les châteaux forts et les douves attenantes. Cette explication est appuyée par une source arabe, le Tabsirat arbab al-Bab de l’historien Tarsusi. Dans ce traité d’armurerie composé en 1187 pour Saladin, il décrit surtout le procédé de fabrication du contenu, sans indication claire en ce qui concerne le contenant, mis à part le fait qu’il soit en terre cuite. Par contre, il signale que le lancement de ces objets se faisait par une catapulte et qu’ils avaient une grande puissance de feu ; on pouvait aussi les lancer manuellement par dessus les remparts, à une distance efficace pour brûler les assaillants ou les éloigner du château fort.

Grenades incendiaires. Temple de Paris
Dispositif pour lancer des grenades incendiaires
Un lanceur de grenades. Temple de Paris
Un lanceur de grenades

De tels objets auraient été utilisés par les Ayyoubides pendant le siège de Raqqa en 1189, où ils auraient brûlé certaines des tours avec les garnisons retranchées à l’intérieur. Plusieurs vases portent des noms d’artisans ; on connaît notamment celui d’Ibn Arrif al-Dimashqi.

 

La taille de ces objets était plus ou moins grande et ils portaient des terminologies militaires. Le plus célèbre s’appelait le Bélier, fabriquée en verre ou terre cuite et qui datait de la période des Croisades, que ce soit en Égypte, en Jordanie, en Palestine ou en Syrie.

L’analyse scientifique de ces objets a révélé des traces de sels gemme, de résines et d’autres produits inflammables qui rentraient dans la fabrication du produit. Les documents militaires datant des XIIe et XIVe siècles sont riches de descriptions de ces objets comme le livre al-Furusiyya wal manasib al-harbiyya (Chevalerie et fonctions militaires), livre écrit par al-Hasan al-Ramah (m. 1294) et qui travaillait en Syrie comme professeur des sciences militaires où il décrit et illustre ces objets avec leur utilisation militaire et les différentes façons de les lancer.

 

Les fouilles dans les régions du monde arabe qui ont subi les Croisades ont mis au jour dans plusieurs endroits ces engins incendiaires qui étaient utilisés pour défendre les châteaux forts contre les dangers des Croisés. Le musée archéologique du château d’Ajlun possède plusieurs  de ces bouteilles, découvertes en 1982 par le bureau du service d’archéologie jordanien dans le quartier de Rabdaya. La grande Syrie étant la région qui a le plus subi les Croisades, puis les Mongols, nous y trouvons la plus grande quantité de ces objets, notamment à Hama, et Bâlis-Meskeneh sur l’Euphrate, où des fours particuliers pour la cuisson de ces vases ont été découverts. Une collection importante est présentée actuellement au musée de Damas, dont un projectile comportant des dessins anthropomorphes présentant des captifs de guerre avec une indication du fabricant et des annotations : « de tels projectiles sont utiles pour cerner l’ennemi ». Le musée d’art islamique du Caire possède également un certain nombre de ces objets, trouvés à Fustât.

 

L’extérieur de ces projectiles comporte une décoration en saillie dont le but n’était pas uniquement décoratif mais servait aussi à une meilleure prise en main et plus de stabilité dans les catapultes. Ces objets pouvaient aussi comporter des inscriptions comme le lieu de fabrication, le nom du fabricant, des bénédictions, invocations ou les noms de Dieu.


NOTE

(1) Sèvre, musée national de Céramique.

(2) Récipient en verre au nom d’un sultan du Yémen, Paris, musée du Louvre, OA 7448.

Musée archéologique d'Ajlun - Jordanie. Temple de Paris
Musée archéologique d'Ajlun - Jordanie

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