
Les templiers… Une appellation nimbée de brume propice à tous les fantasmes. Si on associe assez spontanément leur nom aux croisades et au temple de Salomon à Jérusalem, certains voudraient en faire les gardiens de ce lieu. Pourtant, celui-ci a été détruit dans l’Antiquité, puis remplacé par un deuxième temple, rasé lui aussi au premier siècle de notre ère.
Les gardiens symboliques alors ?
Géographiquement, le temple des Hébreux ou de Salomon était situé au centre du Mont du Temple (appelée de nos jours esplanade des Mosquées). Détruit par les Babyloniens en 586 avant J.-C., il fut remplacé par le second temple, terminé vers 515 avant J.-C., lui-même détruit en 70 après J.-C. par les légionnaires de Titus.
Devenus maîtres de Jérusalem en 638, les musulmans bâtirent à son emplacement la Coupole du Rocher (Qubbat As Sakhra) entre 688 et 692. D’après la tradition musulmane, durant son voyage nocturne, Mahomet se serait élevé vers les cieux depuis le rocher que recouvre le monument.
Après la prise de Jérusalem par les croisés en 1099, ce troisième lieu saint de l’islam – après la Kaaba à la Mecque et la mosquée du Prophète à Médine – sera transformé en église.
Devenu le Templum Domini ou temple du Seigneur, il sera confié à des chanoines – des prêtres vivant en communauté.
Les futurs templiers qui se regroupent à Jérusalem vers 1119-1120 ne peuvent prétendre appartenir à un ordre religieux avant d’avoir été reconnus par le pape. Alors qu’ils se donnent pour premier nom de baptême « chevaliers du Christ » (milites Christi), en 1120, le roi Baudouin II leur cède une aile, puis bientôt la totalité de son palais qu’il avait installé dans la mosquée al-Aqsa, au sud du Mont du Temple. Le groupe prend alors ses quartiers dans ce bâtiment censé se trouver non pas à l’emplacement du temple, mais du palais du roi Salomon.

Palais, temple… Pour de nombreux contemporains des événements, la confusion est totale, à l’image de Bernard de Clairvaux dans son Éloge de la nouvelle chevalerie (1128) : « Il y a à Jérusalem un temple où ils habitent en commun ; s’il est bien loin d’égaler par son architecture l’ancien et fameux temple de Salomon, du moins il ne lui est pas inférieur en gloire. (…) » Ici, le « temple » doit bien être compris comme la mosquée al-Aqsa. C’est d’ailleurs après cette installation qu’apparaît la dénomination « chevaliers du temple de Salomon » (milites templi Salomonis) ou « templiers ». Ce lien avec le temple de Salomon sera bientôt confirmé dans le prologue de la règle de l’ordre rédigée lors du concile de Troyes, où apparaît le nom : « Pauvres compagnons d’armes du Christ et du temple de Salomon » (pauperes commilitones Christi Templique Solomonici).
Stricto sensu, l’appellation « templiers » ne fait donc pas référence au lieu que les chevaliers occupent dès 1120, mais au centre de l’esplanade des Mosquées où se dressaient les deux temples des hébreux, puis le Templum Domini. Ce dernier lieu pouvait, en revanche, être considéré comme leur siège symbolique.
Pour preuve, cet édifice figurait au verso du sceau des grands maîtres de l’ordre.

Texte de Jean-Vincent Bacquart extrait de son livre Mystérieux Templiers, idées reçues sur l’ordre du Temple aux éditions Le cavalier Bleu.
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Yehouda (samedi, 30 janvier 2021 22:15)
Très bien. Merci
Yehouda (samedi, 30 janvier 2021 22:17)
Il est intéressant de noter que la structure de la mosquée Al-Aqsa a conservé la forme qu’avait l’édifice pendant la période du deuxième Temple – celle du portique royal d'Hérode, qui fut également construit comme l’étaient les basiliques.
Pendant la période des croisés, le bâtiment abritant la mosquée a servi de palais au roi Godefroy de Bouillon. Baudouin, le deuxième suzerain du royaume de Jérusalem, a fait déménager la demeure royale dans la citadelle à l'ouest de la ville, la tour de David, et installer dans la mosquée Al-Aqsa, l'Ordre des Templiers, « Les chevaliers du Temple de Salomon – milites Templi Salomonis ». Ce qui expliquerait pourquoi la porte principale de la mosquée a été construite sur le modèle des bâtiments de l’époque des croisés : composée d'une porte à gradins, elle comporte trois piliers de chaque côté, ornés de décorations en arabesques. Pendant la période ayyoubide, des inscriptions ultérieures ont été rattachées à la porte, attribuant ainsi la construction de cette porte à la période ayyoubide.