La plupart des produits qu'importent les Templiers, tels que les chevaux, le fer et le blé, leur parviennent par la mer. Dans un premier temps, les Templiers passent des accords avec des transporteurs et agents commerciaux, mais, au début du XIIIe siècle, ils commencent à se constituer leur propre flotte. Ils sont présents en masse dans tous le sports importants d'Outremer : Césarée, Tyr, Sidon, Gibelet (qui s'appelait Byblos dans l'Antiquité, et aujourd'hui Jbeil), Tripoli, Jebel et Port Bonnel, au nord d'Antioche. Mais leur port d'attache est Acre, ville fortifiée bâtie sur une langue de terre offrant une excellente protection par son double port.
Les principaux pouvoirs du royaume de Jérusalem sont représentés à Acre, mais, après la prise de Jérusalem par Saladin en 1187, la ville devient le nouveau quartier général des Templiers en Terre sainte. Selon le chroniqueur du XIIIe siècle connu sous le nom de Templier de Tyr, "Le temple était l'endroit le plus solide de la ville, dont une grande partie était au bord de la mer, comme un château. À l'entrée figurait une grande tour robuste dont les murs faisaient 8 mètres d'épaisseur". Il mentionne également une autre tour, bâtie si près de la mer que les vagues déferlaient contre elle, "dans laquelle était conservé le trésor du Temple".
Après 1218, les Templiers agrandissent leurs infrastructures à Acre en se dotant d'une nouvelle forteresse, à une cinquantaine de kilomètres au sud. Aujourd'hui connue sous le nom d'Athlit, les Templiers l'appellent Chastel Pèlerin car elle a été construite sur un promontoire rocheux avec l'aide des pèlerins (notamment le chevalier Gauthier d'Avesnes). Selon un pèlerin germain qui le visite au début des années 1280, ce château "est situé au cœur de la mer, fortifié par des murs, remparts et barbacanes si solides et crénelés que le monde entier ne suffirait pas pour le prendre".
Depuis leurs ports d'Outremer, les navires des Templiers voguent vers l'ouest. En France, l'un de leur principal port d'attache est Marseille, où ils chargent pèlerins et marchands avant de mettre le cap vers l'est.
Les ports italiens de l'Adriatique sont également importants, surtout Brindisi, qui présente l'avantage d'être proche de Rome. À Bari et Brindisi, on trouve du blé, des chevaux, des armes, des vêtements, de l'huile d'olive, du vin et de pèlerins. Messine, en Sicile, sert à la fois de circuit d'exportation depuis le continent et d'entrepôt pour les cargaisons provenant de Catalogne et de Provence. Les Templiers construisent également des navires dans les ports européens, partout entre l'Espagne et la côte dalmate.
Le commerce des esclaves blancs
Autre chargement des Templiers, les esclaves blancs, transportés en très grand nombre de l'est vers l'ouest, où ils participent au fonctionnement des maisons de l'ordre du Temple, surtout en Italie et en Aragon. Les Hospitaliers exploitent également des esclaves et s'adonnent à ce commerce florissant, même pour les pouvoirs maritimes italiens, plus particulièrement à Gênes, et surtout dans les États musulmans orientaux.
À la fin du XIIIe siècle, la plaque tournante du commerce des esclaves est le port d'Ayas du royaume arménien de Cilicie,
sur la Méditerranée. Marco Polo débarque à Ayas en 1271 afin d'entamer son périple vers la Chine, à peu près au moment où les Templiers y ouvrent un comptoir. Les esclaves, qui sont turcs, grecs, russes et circassiens, ont été récupérés suite à des luttes intertribales, parce que des parents pauvres ont décidé de vendre leurs enfants ou parce qu'ils sont enlevés. Ils sont acheminés à Ayas par des marchands d'esclaves turcs et mongols.
Les jeunes hommes robustes des steppes russes du sud ou du Caucase, sélectionnés, sont généralement envoyés en Égypte, où ils sont convertis à l'islam et servent de soldats esclaves d'élite appelés Mamelouks. En 1250, les Mamelouks prennent pouvoir en Égypte et mènent le jihad final qui boute les Francs hors d'Outremer.
Pour aller plus loin, voici un document très intéressant à télécharger (PDF) regroupant les actes du 130e congrès national des sociétés historiques et scientifiques qui s'est déroulé à La Rochelle en 2005 sous la direction de Michel Balard.
Nés pour protéger les pèlerins au long des routes de Terre sainte, les ordres religieux militaires, templiers et hospitaliers, ont peu à peu acquis une vocation maritime au cours du XIIe siècle. Leur rayon d'action s'est progressivement élargi à l'ensemble de la Méditerranée, soit pour assurer les liaisons indispensables entre leurs diverses commanderies, soit pour transporter pèlerins et marchandises entre l'Orient et l'Occident. Pour des ordres ayant à l'origine une vocation terrienne, la mer est ainsi devenue un élément familier, à partir de la fin du XIIe siècle. Le transport maritime des hommes (membres des ordres, pèlerins et croisés) et des marchandises vers l'Orient, facilité par une demande croissante, par la capacité accrue des navires et par des innovations techniques réduisant les coûts, a procuré aux ordres des revenus non négligeables et a fait des moines-soldats des acteurs importants de la vie maritime en Méditerranée et en Baltique.
Table des matières
Introduction
par Michel BALARD p. 5
Pierre-Vincent CLAVERIE
Quelques réflexions sur les activités navales des ordres militaires p. 9
Damien CARRAZ
« Causa defendende et extollende christianitatis. »
La vocation maritime des ordres militaires en Provence (XIIe-XIIIe siècles) p. 21
Pierre-Vincent CLAVERIE
La marine du Temple dans l'Orient des croisades p. 47
Marie-Anna CHEVALIER
Les ordres militaires et la mer en Arménie cilicienne
(milieu du XIIe-fin du XIVe siècle) p. 61
Philippe JOSSERAND
Les ordres militaires et la bataille du détroit de Gibraltar
sous le règne d'Alphonse X de Castille p. 79
Pierre BONNEAUD
Hospitaliers catalans en Méditerranée au cours du XVe siècle p. 93
Kristjan TOOMASPOEG
Carrefour de la Méditerranée et arrière-pays de la croisade :
les ordres religieux militaires et la mer au royaume de Sicile p. 103
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