LE SCEAU AUX DEUX CAVALIERS DE L’ORDRE DU TEMPLE

Sceau aux deux cavaliers de l'ordre du Temple.
Sceau aux deux cavaliers de l'ordre du Temple.

Souvent choisis pour orner les couvertures des ouvrages sur le Temple, ces deux cavaliers, lances brandies, sur une unique monture, ont sans doute fait couler plus d’encre que de cire. Car il s’agit du sceau employé par les grands maîtres de l’ordre, dont le plus ancien témoignage date de 1167. Apposé au bas des documents à partir du XIIe siècle, le sceau permet d’authentifier l’écrit en proclamant l’identité du signataire. Comme d’autres ordres monastiques, le Temple utilise dès ses débuts

une matrice biface en argent ou en plomb – qualifiée de « bulle » ou de « boule » –, permettant de produire dans la cire le sceau et le contre-sceau. On trouvera au cours de l’histoire de l’ordre plusieurs types de sceaux et de représentations, utilisés par les commandeurs de provinces, les dignitaires de l’ordre ou le grand maître.

Tout a été dit sur la signification de ces deux cavaliers montant le même cheval et entourés de la légende « SIGILUM MILITUM CHRISTI » (trad. : « sceau des chevaliers du Christ »). Dès le XIIIe siècle, le chroniqueur anglais Barthélemy de Cotton suggère dans son Historia Anglicana qu’il s’agit d’un témoignage de la pauvreté originelle de l’ordre, qui aurait obligé ses membres à chevaucher à deux la même monture. Point n’est besoin d’être expert en art équestre pour comprendre que le chroniqueur joue sur le symbole. Pourtant, quelques auteurs peu sérieux ont imaginé qu’il s’agissait bel et bien d’une technique de combat à deux cavaliers, l’un guidant la monture pendant que l’autre maniait la lance.

 

Le grotesque de la démonstration ne nécessite pas d’aller plus loin dans l’exposé. Non, l’ordre n’était pas à ce point démuni à ses débuts pour qu’il faille y voir un rappel de ses origines modestes. Alors ? Faute de certitudes absolues, on peut difficilement écarter une théorie à moins d’être taxé de sectarisme. Pourtant, le sceau n’est vraisemblablement pas un aveu de l’homosexualité répandue dans l’ordre, ni une représentation des Dioscures Castor et Pollux, ni le Christ et son frère jumeau Thomas, ni les deux Jean.

Les théories les plus probantes présentent ce sceau comme une allégorie de la solidarité vécue dans l’ordre, où la règle prescrit par exemple aux frères de manger à deux dans la même écuelle. On peut également imaginer qu’il s’agit d’une évocation des deux fondateurs, Hugues de Payns et Godefroy de Saint-Omer, ou de la dualité de l’ordre, religieux et combattant. Jacques de Vitry, évêque d’Acre dans le premier tiers du XIIIe siècle, livre peut-être la solution dans l’un de ses deux sermons adressés aux templiers : « Deux orgueilleux ne chevaucheront pas sur la même selle. » Les deux cavaliers symboliseraient ainsi l’humilité, mais l’évêque prend la parole plus de cinquante ans après la première apparition de cette représentation. Qu’en conclure ?

Intéressons-nous au revers du sceau. Y figure une représentation du Templum Domini, situé sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, entouré de la légende « DE TEMPLO » (trad. : « du Temple »). De ce côté, nulle subtilité, la légende et la représentation sont en accord. Dans ce cas, pourquoi les deux cavaliers visibles sur l’avers du sceau ne seraient-ils pas eux-aussi en accord avec la légende « sceau des chevaliers du Christ » ? L’explication serait sans doute trop simple, mais peut-on réellement écarter l’hypothèse que le Temple ait voulu symboliser le groupe et le nombre des frères par deux cavaliers, plutôt qu’un seul ou une multitude impossible à reproduire sur une si petite surface ? Le débat reste ouvert.

Reproduction du sceau aux deux cavaliers

Contrairement à de nombreuses reproductions plus qu’approximatives, celui-ci a été fabriqué avec un moulage très précis et conforme au sceau original. Il est teinté en couleur argent ce qui permet d'avoir un meilleur rendu des détails.

 

Description :

Deux chevaliers en armes, portant bouclier et lance, heaume conique à nasal en tête, et protégés de cottes de mailles (haubert et chausses de mailles), chevauchent la même monture. Les boucliers sont renforcés d’une sorte d’étoile, sans doute des barres métalliques se joignant au centre, pouvant évoquer les rayons du soleil. On appelle cette sorte d’étoile

« escarboucle », nom ancien de pierres précieuses de couleur rouge. Ce symbole se retrouve sur les écus d’autres chevaliers de l’époque dont Henri Ier, Comte de Champagne. 

La légende, SIGILLUM : MILITUM : XPISTI, rappelle qu’ils étaient chevaliers du Christ.

À lire également :

Lettre à M. Beugnot sur les sceaux de l'ordre du Temple et sur le temple de Jérusalem au temps des croisades.
Louis De Mas-Latrie
Bibliothèque de l'École des chartes
Année 1848
Document Temple de Paris.pdf
Document Adobe Acrobat 1.5 MB