L’ÉCOLE AU MOYEN ÂGE

 

Exposition jusqu'au 30 mars 2014

 

 

À travers plus de 80 documents, l’exposition nous plonge dans l’univers des écoliers et étudiants à la fin du Moyen Âge en présentant les différents types d’établissements, des petites écoles à l’université, l’espace et le matériel de classe des élèves et des professeurs, les disciplines, le temps scolaire (calqué sur les rythmes religieux et agricole), l’apprentissage des jeunes enfants, l’éducation des jeunes nobles et enfin l’enseignement supérieur dans les collèges et les universités.

 

Texte de Danièle Alexandre-Bidon, historienne, ingénieur d’études à EHESS,

Commissaire d'exposition.

Une salle de classe. Maître en chaire et élèves sur la paille. New York, Pierpont Morgan Library, ms 917. Temple de Paris
Une salle de classe. Maître en chaire et élèves sur la paille. New York, Pierpont Morgan Library, ms 917

L’ALPHABÉTISATION

 

En 529, le Concile de Vaison ordonne à chaque prêtre de prendre en charge un ou plusieurs garçonnets afin de leur apprendre le latin et de leur donner une culture biblique.

 

L’instruction se développe au VIIIe siècle grâce à l’admonitio generalis (exhortation générale) du roi Charlemagne, dans lequel celui-ci impose que “ des écoles soient créées pour apprendre à lire aux enfants. Dans tous les monastères, dans tous les évêchés, il faut enseigner les psaumes, les notes, le chant d’église, le calcul, la grammaire (…)”. Cependant, ces écoles sont encore réservées aux clercs.

 

Les premières écoles sont des écoles monastiques dépendant des cathédrales (Paris, Chartres, Laon, Reims). Elles se divisent en deux catégories : internes accueillant les oblats (enfants offerts à Dieu) et externes, accueillant les jeunes laïcs qui retournent dans le monde à l’issu de leur instruction.

 

Dès le XIe siècle, les petites écoles gratuites se multiplient dans les villes en lien avec la renaissance des activités économiques, motivant par là-même l’éducation des futurs marchands et artisans.

Au XVe siècle, 100 petites écoles sont mentionnées à Paris.

 

Le coût d’un livre manuscrit équivalent à un troupeau, les élèves apprennent à lire et à compter avec des objets de substitution : abécédaires sur des ceintures de cuir, sur des broderies ou bien inscrits sur les murs de certaines églises. Plus tard, à l’université, les livres des bibliothèques deviennent accessibles mais certains restent enchaînés au pupitre.

 

Le matériel est donc très rudimentaire : le petit cartable est une “poche” en cuir, le cahier est une tablette de bois recouverte de cire ou de chaux ou même une écorce de bouleau. Les élèves suivent le cours assis sur la paille devant le maître d’école qui lui bénéficie toujours d’une chaire.

 

LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES

 

L’école du cloître

 

Au Moyen Âge, l’enseignement est détenu majoritairement par le clergé. Les enfants commencent leur apprentissage à l’âge de 6 ou 7 ans mais tous ne sont pas logés à la même enseigne.

 

Certains enfants, notamment ceux des classes modestes sont offerts à Dieu, et donc au monastère, ce “don” permettant le salut de l’enfant et celui de sa famille. C’est la pratique de l’oblation. Durant le Haut Moyen Age, les petits “oblats” n’ont aucune possibilité de retourner dans le monde laïc mais à partir du XIe siècle, les règles s’assouplissent, permettant aux jeunes moines de retrouver leur liberté. Cette pratique prend fin au XVe siècle, sur décision du pape Martin V.

 

Les petits aristocrates ou les enfants des classes aisées, quant à eux, sont placés dans des établissements religieux de 7 à environ 15 ans, les parents considérant que c’est là le meilleur type d’éducation.

En ville, les enfants, destinés à la prêtrise sont reçus dans les écoles cathédrales. L’école comprend 10 à 12 enfants sans compter les enfants de la manécanterie.

 

Les petites écoles

 

Hormis ces écoles du cloître, les enfants peuvent aussi être éduqués dans des petites écoles par des maîtres ou des maîtresses laïques, au château par le chapelain ou bien un pédagogue privé.

 

La petite école est installée dans une maison très ordinaire, celle du maître, pourvue de latrines et d’une cuisine. La salle de classe se situe au rez-de-chaussée ou en demi-sous-sol. Au premier étage, se trouve le dortoir. Il arrive que certaines de ces petites écoles, en plus d’une cour, disposent d’un jardin potager dont le maître peut tirer quelques émoluments.

Sous la férule du maître. XIVe siècle. Paris, BnF, ms Français 574 f°27. Temple de Paris
Sous la férule du maître. XIVe siècle. Paris, BnF, ms Français 574 f°27.

MAÎTRES ET ÉLÈVES

 

Les maîtres

 

En 1380, on dénombre à Paris quarante et un maîtres et vingt et une maîtresses.

Pour être maître d’une petite école, il faut être titulaire de la licence, obtenue après trois années d’études à l’université. L’enseignement est gratuit, le salaire est modeste mais le maître reçoit des compensations en nature en plus d’une prime de bienvenue. Aussi a-t-il intérêt à avoir le plus d’élèves possibles, en faisant de la publicité, sous forme d’affichettes calligraphiées clouées à sa porte.

 

La violence fait partie du paysage scolaire médiéval. Afin d’obtenir le calme, les maitres n’hésitent  pas à utiliser la férule ou le fouet après avoir tenter de faire peur en utilisant un masque d’ogre dévorateur ou de croquemitaine. Lorsque le maître d’école est trop laxiste, les parents peuvent signer une pétition afin de le remplacer.

Les maîtres peuvent ne rester en fonction qu’un ou deux ans. Ils repartent alors soit pour retourner à l’université soit pour ouvrir une autre école.

 

Les élèves

 

Suivant la catégorie, les classes regroupent une dizaine à une centaine d’élèves. L’école est ouverte à tous les milieux sociaux mais elle privilégie les petits garçons. Les filles apprennent auprès de leur mère les prières majeures, la couture et la broderie. À partir des XIIIe et XIVe siècles, elles peuvent fréquenter les cours des petites écoles tenus par des maîtresses.

Toute la vie scolaire est réglée sur le calendrier agricole et religieux. Les élèves ont droit aux vacances en juillet et août pour aider les parents lors des moissons ainsi qu’une semaine durant la Pentecôte, deux à Noël et à Pâques, l’ensemble dépassant 150 jours par an.

 

Deux grandes fêtes leur sont destinées : le jour de la Saint Nicolas, saint patron des écoliers, où ils peuvent défiler dans les rues, jouer aux dés (jeu illicite) et le 28 décembre, jour des Saints Innocents. Durant ce “jour des fous”, les rôles sont inversés : les enfants de chœur nomment un évêque des fous, qui aura même le droit de danser dans l’église.

LE PROGRAMME SCOLAIRE 

 

La majorité des écoliers se contente d’apprendre les rudiments : lire, écrire, compter, et chanter. Pour tout ce programme scolaire, l’outil fondamental est la main. Celle-ci sert à la fois à connaître son alphabet, à mémoriser les prières (les dix commandements), à compter (méthode du comput digital qui permet de compter jusqu’à un million), à chanter (à chaque phalange de la main gauche correspond une note) et même à connaître les fêtes du calendrier.

 

Apprendre à lire

 

Le programme débute avec l’apprentissage de l’alphabet qui s’apprend entre 3 et 5 ans, le temps d’une semaine, à raison de trois ou quatre lettres par jour, le dernier jour étant réservé à la récitation complète de l’alphabet. Cet apprentissage fait référence à la Bible, l’enfant apprenant les lettres comme Dieu crée le monde. Très tôt, l’alphabet est présent partout autour de l’enfant : sur les broderies des tissus, sur sa ceinture, à table sous forme d’abécédaires comestibles (morceaux de fruits, pâtes abécédaires),…

Certains alphabets sont présentés sur une seule page, avec pour chaque lettre une vertu chrétienne sur laquelle le maître peut gloser. Les pages peuvent être doublées de proverbes moraux écrits (“de telle vie telle fin : paradis ou enfer”).

L’alphabet une fois retenu, l’élève assimile les syllabes puis il peut commencer à lire.

L’école de lecture dure environ quatre mois. Le proverbe “Savoir lire, c’est connaitre son psautier” est révélateur du support essentiel d’apprentissage. Le psautier est concurrencé au XIIIe siècle dans les milieux aisés par le livre d’heures qui permet à la mère d’enseigner les prières majeures à ses enfants. Outre les versets du psautier, les enfants lisent les fables antiques de Phèdre et d’Esope, les bestiaires où chaque animal sert d’exemple, des histoires de rois et de reines, des traités de bonne manière. Ils doivent également savoir dire les prières majeures : le Credo et le Pater et dès le XIIIe siècle l’Ave Maria.

 

Apprendre à écrire

 

Après la lecture vient l’écriture. Les élèves peuvent s’entrainer à écrire sur des tablettes en métal ou en bois où sont déjà gravées les lettres. Sur les tablettes recouvertes de cire, le stylet en métal leur permet d’écrire et son extrémité ronde d’effacer les caractères. Ils apprenaient ensuite à maîtriser l’écriture à la plume en recopiant des textes saints, des proverbes ou des moralités…

 

Apprendre à compter

 

L’encyclopédiste Barthélémy l’Anglais écrit "qu' il n’y a pas de différence entre un homme qui ne sait pas compter et une bête”. Savoir calculer est considéré au XIIIe siècle comme indispensable.

L’école de calcul dure peu de temps, environ 2 à 4 mois. Pour apprendre à compter, les élèves se servent de leur doigts suivant le système du comput digital qui permet de compter jusqu’à un million. Le professeur utilise pour les leçons de calculs différents objets : billes, anneaux, jetons et dés à jouer ou bien des cailloux (calculi en latin). Les tables de multiplications existent déjà : les chiffres sont posés en abscisse et en ordonnée : à la croisée des colonnes se lit le résultat. Les élèves peuvent apprendre également à compter sur l’abaque, table de bois comportant un tableau gravé avec les unités, dizaines, centaines sur lequel sont déposés des jetons. C’est la calculatrice du Moyen Âge !

 

Apprendre à chanter

 

Le chant fait partie de l’éducation. Il est aussi important que la lecture.

 

En ville, les enfants de chœur apprennent à chanter dans les manécanteries, organisées en psallettes et maîtrises sous la direction d’un chantre. La maîtrise de Notre Dame était à l’époque l’une des plus connues. Les règles de vie strictes s’apparentaient à celles des monastères : à leur arrivée, les enfants recevaient la tonsure, il leur était interdit de quitter le cloître, de parler une autre langue que le latin, de jouer aux dés ou aux cartes… L’apprentissage du chant pouvait durer 10 ans jusqu’à la puberté.

Tiré du Livre du trésor de Brunetto Latini, The British Library, Londres. Temple de Paris
Tiré du Livre du trésor de Brunetto Latini, The British Library, Londres.

Scènes représentant les arts "mécaniques", les arts libéraux et les sciences.

 

Les arts libéraux, définis dans l'Antiquité tardive par Martianus Capella, puis par Cassiodore et Boèce, figurent dans la colonne centrale. À la base, la grammaire, la dialectique et la rhétorique, arts des mots et de la langue ; au sommet, correspondent au second degré du savoir (et de l'enseignement) : arithmétique, géométrie, musique et astronomie.

 

Les arts "mécaniques" sont évoqués dans la colonne de droite : art du forgeron, des charpentiers, des tisserands ; les changeurs et les paysans sont associés à ces artisans, ainsi que les activités troublantes et sulfureuses que constituent l'alchimie et la "negromancie" (nécromancie).

 

À gauche, des activités plus nobles : la peinture, puis l'écriture, la fabrication d'instruments de musique, le droit romain, "les lois", la physique – qui est, dans le vocabulaire médiéval, la médecine, puis le décret, c'est-à-dire le droit canon, le droit de l'église, enfin la logique.

 

L’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

 

L’apprentissage

 

Dès 12 ans, il est possible de démarrer un apprentissage chez un artisan ou bien chez ses parents. Mais certains métiers sont appris plus tôt : 10 ans chez les potiers, 8 ans chez les agriculteurs. L’apprentissage dure en  moyenne de 3 à 6 ans après que soit signé un contrat devant notaire entre les parents et le maître de formation. L’enfant est nourri, logé, soigné mais ne doit pas s’enfuir. Les conditions sont difficiles : entre neuf et treize heure de travail par semaine non payées sur la première année! Dans les manuscrits, la présence de scènes montrant le jeune Jésus aidant son père charpentier Joseph familiarisait les futurs apprentis à l’univers professionnel.

 

L’éducation princière

 

La formation au métier de noble démarre dès 7 ans. Les enfants commencent par être pages vers 8 ou 9 ans. Ils sont alors élevés avec les enfants royaux.

L’éducation intellectuelle comprend la lecture de “Miroirs” incluant des traités de bonne conduite, le commentaire des “châteaux de sagesse” (chaque pierre du château comporte une vertu morale), la lecture des textes antiques, les romans de chevalerie et bien sûr le jeu d’échecs qui permet d’étudier à la fois la mathématique, l’instruction civique et la stratégie militaire.

Les petits nobles reçoivent également une éducation physique qui passe avant tout par la maîtrise de l’équitation. Tous petits, ils disposent du cheval bâton puis, lorsqu’ils sont assez grands, leurs éducateurs les font monter à cheval avec eux. Cette discipline est indispensable pour la pratique de la chasse, des tournois et bien sûr lors des batailles. Elle leur permet également de se familiariser avec les animaux (cheval, chien, faucon) qui les accompagneront lorsqu’ils seront adultes. Les armures sont portées dès 7 ans, complétées par des armes d’abord en bois puis en métal. Les enfants pratiquent de nombreux autres exercices physiques tels que la lutte, la course, le saut, le lancer de javelot ou de poids, le tir à l’arc mais aussi la chasse.

Cours de théologie à la Sorbonne. Enluminure, fin du XVe siècle. Bibliothèque de Troyes. Temple de Paris
Cours de théologie à la Sorbonne. Enluminure, fin du XVe siècle. Bibliothèque de Troyes.

COLLÈGES ET UNIVERSITÉ

 

Collèges et universités sont regroupés dans le quartier “latin”, ainsi nommé parce qu’il est interdit, même aux enfants, d’y parler une autre langue.

 

Les collèges

 

Au Moyen Âge, les collèges différent de ceux d’aujourd’hui. Ce sont des fondations pieuses, inspirées de modèles monastiques et destinées à favoriser l’éducation des enfants pauvres désirant étudier à l’université. Ils sont donc proches des lieux d’enseignement voire associés aux universités. Les étudiants sont logés, nourris, reçoivent une bourse et bénéficient d’un soutien scolaire. Une bibliothèque est même mise à leur disposition.

Pas moins de 44 collèges existent à Paris sur la rive gauche à la fin du XIVe siècle. Un collège bien connu est celui qui a été fondé en 1257 par Robert de Sorbon, chanoine de Notre Dame et conseiller de Saint Louis. Ce lieu était destiné aux étudiants souhaitant poursuivre des études de théologie. Il abritait une très grande bibliothèque (1722 volumes en 1338). Par la suite, le collège ou “maison de Sorbonne” prit le nom de faculté de théologie puis d’”Université de Paris”.

 

L’université

 

L’origine de l’université est liée à la fondation de l’abbaye de Saint-Victor en 1108 sur la montagne Sainte-Geneviève. Son rayonnement intellectuel en fait un des centres les plus importants de l’Occident médiéval au début du XIIIe siècle. Par la suite, les maîtres se regroupent par facultés dirigées chacune par un doyen de médecine, de droit canon ou de théologie. Ils maîtrisent leur propre recrutement et leur mode de travail. Les étudiants sont admis à l’université dès 10 ans mais la plupart y rentrent vers 16 ans. Au bout de trois ans, ils obtiendront une licence qui leur permettre de pouvoir enseigner.

Paris devient une capitale intellectuelle dans le domaine de la théologie : seul le droit canon est enseigné, le droit civil ayant été prohibé pour ne pas lui faire concurrence. En province, d’autres facultés se créent : faculté reconnue de médecine à Montpelliers, de droit civil à Orléans,…

 

Malgré son rôle important, l’Université ne dispose pas encore de ses propres locaux. Les cours sont donnés dans de modestes établissements ou bien dans des églises. À Paris, des noms évoquent encore le monde universitaire médiéval tels que la rue au Fouarre, ainsi nommée en raison des bottes de paille sur lesquelles s’assoient les étudiants ou bien le Pré aux clercs, terrain de jeux et de promenade des étudiants et unique possession foncière de l’université.

Cette exposition est présentée  du 16 novembre 2013 au 30 mars 2014,

à la Tour Jean sans Peur20, rue Étienne Marcel – 75002 Paris

 

Le mercredi, samedi et dimanche

de 13h30 à 18h

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