CHASTEL BLANC, Safita
Les renseignements concernant cette forteresse ne sont pas nombreux. Elle est mentionnée la première fois dans une chronique arabe en 1112. Tancrède, prince d'Antioche, la donna à cette époque à Pons, petit-fils de Raymond de Saint-Gilles.
À partir de ce moment, elle fit partie non plus de la principauté d'Antioche, mais du comté de Tripoli. En 1167, Nour al-Din exécuta un raid dans le comté de Tripoli et s'empara momentanément de diverses places, dont Safita, qui fut sévèrement touchée par le tremblement de terre de 1170 – qui avait infligé des dégâts plus considérable encore au Crac – et sera à nouveau ravagé par un tremblement de terre en 1202. Une année plus tard, Nour al-Din réapparut, attaqua les places de Safita et d'Arima, les pilla et s'empara d'un riche butin. Saladin, dans sa campagne de 1188, ravagea le comté de Tripoli mais n'osa s'en prendre ni au Crac ni à Safita. Durant son séjour en Palestine et au Liban, Saint Louis, qui trouvait que le château était trop petit, le fit agrandir vers le sud. Venant du château de Beaufort, situé dans le Liban sud, et remontant vers le nord, Baïbars tenta de s'emparer de Tripoli mais en vain. Le gouverneur de Safita, craignant que son tour ne soit venu, lui remit 300 prisonniers pour être épargné. Baïbars, après la mort de Saint Louis, reprit ses conquêtes depuis l'Égypte et vint assiéger Chastel Blanc. La garnison voulut se défendre mais le maître du Temple lui donna l'ordre depuis Tortose de capituler. Sept cents Templiers purent ainsi se replier sans être inquiétés. Puis Baïbars alla assiéger et prendre le Krak. On ne sait pas exactement depuis quelle époque Safita appartint aux Templiers, peut-être un peu après 1170.
Celui qui visite aujourd'hui le site voit d'abord un magnifique donjon, le "plus élaboré de la Syrie du nord", se dressant au milieu d'une petite ville à 380 mètres d'altitude sur une éminence du Djebel Ansarieh, et situé entre Tortose et le Crac. En réalité, la cité occupe l'emplacement de l'ancien château, construit sur le plan de la forteresse de jadis. Lors de son passage, Emmanuel-Guillaume Rey a distingué des traces d'ouvrage avancées en terre et les vestiges de deux enceintes ceignant la montagne.
Thomas Edward Lawrence, en 1909, constate qu'il est difficile de se faire une idée du plan primitif car le gouverneur du district a puisé largement dans les matériaux pour construire sa propre résidence. La mission Deschamps a reconnu les vestiges de salles voûtées sur le front est de la forteresse et de deux salles au nord du donjon. D'autres salles ont été démolies par les habitants du village et les pierres utilisées pour la construction de maisons. Deschamps relève que le donjon était enfermé "dans une chemise". Rey, qui en a dressé le plan, s'extasie : "On reconnaît bien, dans l'étrange conception de ce monument, le génie de ces moines guerriers, si longtemps la terreur des Musulmans, en même temps que l'admiration et la gloire de l'Europe chrétienne, qui jusque dans l'édification du sanctuaire ont su apporter tous les moyens de défense qu'a pu leur suggérer l'art de l'ingénieur militaire. De la sorte, les premières lignes enlevées par l'assaillant, la lutte se trouvait transportée au pied de l'autel, dans le temple même de ce Dieu pour le triomphe duquel on combattait."
L'édifice mesure 31 mètres sur 18,
avec une hauteur de 27 mètres.
L'église formant une salle inférieure, dédiée à saint Michel, n'a jamais été transformée en mosquée, ni sécularisée. Elle est désormais occupée par la communauté orthodoxe grecque depuis le XIXème siècle, après que celle-ci a été évincée du Hauran, en Syrie, par les Druzes.
Elle possède des murs de 4 mètres d'épaisseur, qui sont ceux mêmes du donjon, avec sous le sol, au niveau de la première travée, une citerne. Un escalier dans la première travée permet d'accéder
à l'étage supérieur, qui avec ses 6,50 mètres de hauteur, n'a que la moitié de la hauteur de l'église. On relève 11 archères sur ses différents côtés.
Descamps propose trois époques de construction : d'abord les deux enceintes avec appareil à bossages rustiques, dont il ne reste que peu de vestiges ; puis le donjon, construit par les Templiers après 1117 et rénové après le après le tremblement de terre de 1202, rénovation dont il est impossible de préciser l'importance ; enfin les bâtiments Est, qui sont du XIIIème siècle.
Un escalier conduit à la terrasse qui a conservé une partie de ses merlons, offrant une vue panoramique sur la ville et la campagne alentour, permettant de voir le Krak des Chevaliers au sud-est et la Méditerranée à l'ouest.
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